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Etienne Dolet : 3 août 1509 : Hommage à un martyr de la pensée

En ce jour, saluons cet homme au moins pour trois raisons.

 

La première concerne son érudition. Dolet fut un personnage dynamique et emblématique de la renaissance intellectuelle en France. Bien que d'origine pauvre, il doit à de puissants protecteurs la possibilité d'entreprendre des études à Paris, ensuite en Italie, puis enfin à Toulouse où il y étudie le droit. Mais très vite, son esprit libre et critique - que certains cataloguèrent de luthérien - lui attire de nombreux opposants qui se transformeront en de véritables ennemis. Face à des étudiants toulousains il cherche, en vain, à y mettre un terme : "Il suffit, dit-il,de jeter quelque éclat dans le monde des lettres pour être suspect". Étudiant le grec ou l'hébreu, cela était suffisant pour être suspecté d'hérésie. Mais cela lui permit de constater l'existence d'autres religions que chrétienne et, donc, de développer son scepticisme. Dans un Toulouse et son parlement dominé par une ambiance très catholique, cela ne peut en conduire plus d'un au bûcher. Cette cruauté l'irrite au plus haut point. A cette occasion il affirmera son doute : "Devrait-on fermer le chemin du repentir ?" Il quitte cette ville pour se réfugier d'abord à Lyon où il fera imprimer deux de ses discours, puis, à la suite d'une échauffourée, il s'en va à Paris. Il y fait imprimer deux ouvrages (Commentaires de la langue latine). Néanmoins, les polémiques le poursuivent, se développent au point tel qu'il sera obligé de solliciter sa grâce auprès de François Ier qui le lui accordera. Ce sera l'occasion d'un banquet en son honneur organisé par une grande partie de l'intelligentsia parisienne, dont ses amis Clément Marot et Rabelais.

 

Etienne Dolet, martyrCette grâce nous amène à la seconde raison de le saluer. Raison plus professionnelle que nous apprécions personnellement en raison d'une certaine synonymie. Il se décide de retourner à Lyon où, là, il sera jeté en prison. Il n'en ressort qu’après plusieurs requêtes du cardinal de Tournon. Une fois libéré, il obtient le privilège d'imprimeur qui va lui permettre de poursuivre ses travaux d'écriture et de travailler "pour mestre et rédiger par escript quelques œuvres par lui inventez et composer, et aussi pour amender et corriger à l'imprimerie aucuns livres utiles qui en avoient besoin..." Par ce labeur, il sortira des "livres nouveaulx, livres vielx et antiques" qu'il vendait très bien d'ailleurs. Mais la production et la prospérité de son affaire ne plaisaient guère à ses confrères lyonnais. Ceux-ci le dénonceront comme hérétique. Après bien des aléas et peines d'emprisonnement, il sortira de la griffe de la « sainte » inquisition. Mais ses ennemis continueront le harcèlement l'obligeant à partir dans le Piémont. Revenant ensuite et très discrètement à Lyon, il y est à nouveau dénoncé et arrêté. Il est conduit à Paris, enfermé deux ans durant, dans l'attente de son procès, dans la prison de la Conciergerie. Déféré à l'isolement dans la Faculté de Paris, on le déclare comme hérétique, accusé des crimes d'impiété, d'athéisme et d'épicurisme. La suite vous est connue et particulièrement sinistre. Le 2 août 1946, arrêt de la Cour : pendaison et mort brûlé vif avec ses livres dès le lendemain, le 3 août 1546.

 

Enfin, nous en finirons par cette troisième et dernière raison, assez étonnante d'ailleurs. Jour pour jour, trente-sept pile après sa naissance il succombe face à la tyrannie et l'intolérance catholique. Pourtant, jamais il ne l'a apostasié. Mais ses nombreux ennemis et ses inquisiteurs n'acceptèrent pas cet esprit sceptique et hétérodoxe le poussant vers ce refus d'un catéchisme d'où qu'il vienne. Renaissance, Réforme et ce roi François Ier, surnommé le "Père des Lettres", ne purent changer cette issue dramatique et fatale.

 

En ce 3 août 1546, en place Maubert* à Paris, le bûcher attend le condamné. Toujours nombreuse pour l'occasion, la foule assiste à cette scène monstrueuse. Une fois de plus - et ce ne sera pas la dernière – l’Église fait le ménage auprès de toux ceux qu'elle considère comme opposants au dogme. Laissons à notre persécuté pour ses idées ce dernier jeu de mots qu'on s'accorde à lui prêter : "Non dolet ipse Dolet, sed pia turba dolet". Autrement dit : "Ce n'est pas Dolet qui s'afflige, mais la foule généreuse". J'ai comme un ressenti qui, ici ou là, reste malheureusement d'une douloureuse actualité…

 

*En 1889, une statue y sera installée. Manifestation de la Libre-Pensée (1914).

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